«Oui, je suis parti sans rien dire»

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  • Province Liège – mardi 28 août 2007 10h00 – Thierry DELGAUDINNE – Le Jour Huy-Waremme

Personnage étonnant, mais aussi attachant, Mitiku Belachew , au parcours atypique, se consacrera uniquement à l’humanitaire.

Tous ceux qui connaissent un peu Mitiku Belachew ne sont pas avares en terme de superlatifs. L’homme est atypique, exceptionnel. À l’image du Père pire, prix Nobel de la paix, il a énormément donné à l’homme, sans rien attendre en retour. Belachew est ainsi fait. Son anneau ne lui a rien rapporté au niveau financier, pas question de le breveter.

«Je n’aurais pas été crédible de le faire breveter, explique le docteur. Je possède toujours le manuscrit de la firme américaine. J’ai toujours bien gagné ma vie avec la chirurgie, c’était bien suffisant. Il m’a tout de même permis de faire le tour du monde pour enseigner.»

Homme exceptionnel, au parcours tout aussi exceptionnel, qui a débuté à Chebo (en Éthiopie) il y a 65 ans.

«À six ans, on m’a mis à l’école de la ville, se souvient le docteur Belachew. Après quelques mois, je me suis accroché à mon père et je lui ai dit de me ramener près de ma mère. J’ai alors été berger durant six ans dans la montagne. Six ans plus tard, suite à la maladie d’un de mes frères, j’ai voulu devenir médecin.»

À 12 ans, le jeune garçon s’inscrit à l’école et à une vitesse incroyable, décroche tous les diplômes, truste tous les prix. Résultat, nanti d’une bourse, il débarque à Liège en novembre 1963.

«Je n’ai pas dit au revoir à mes parents, explique encore Mitiku Belachew. Un oncle m’a conduit à l’aéroport. Je suis revenu trois ans plus tard et ensuite j’ai dû attendre 21 ans.»

Entre-temps, le docteur a obtenu son diplôme de chirurgien, après avoir fréquenté des universités en Angleterre, en Écosse, en France, en Suède… Bref, Mitiku Belachew n’a pas chômé.

En 1978, suite aux conseils du professeur Honoré, il débarque à Huy, où tout est à faire ou à refaire. Son apport est phénoménal. L’anneau lui donne une renommée mondiale, mais à la ville de Huy aussi, comme seul le Père Pire avait réalisé avant lui. Huy, une ville qu’aime Mitiku Belachew, même si ces dernières années, il y est de moins en moins présent. En fait, ce chirurgien de réputation mondiale a décidé de réaliser un autre de ses rêves de gosse, après avoir été berger, faire de l’humanitaire.

En 1997, avec son frère Misganaw, ophtalmologue et leur ami Likissa Dinssa, il fait construire un pont destiné à rendre moins ardu le chemin des écoliers du village de Chebo. Le docteur Belachew se met à enseigner à l’université d’Addis-Abeba, se rend sur le terrain, soigne et opère…

«L’introduction de la chirurgie laparoscopique dans un hôpital ou une clinique en Éthiopie est une opération qui peut être vitale pour résoudre beaucoup de problèmes de la chirurgie abdominale conventionnelle dans nos pays africains», explique le docteur Belachew.

Un docteur qui a opéré à Huy pour la dernière fois le 14juillet dernier et qui dans quelques jours s’envolera une nouvelle fois pour l’Éthiopie.

«Je reviendrai de temps en temps car j’y compte beaucoup d’amis, sourit-il. Le nombre de patients que j’ai opérés? 30000. Lors de ma dernière consultation, j’ai dit à ma patiente, voilà, c’est moi qui vous reçois, mais vous serez opérée par un autre docteur. Oui, je suis parti sans rien dire. Mais quand j’ai quitté l’Éthiopie, je n’avais pas dit non plus au revoir à mes parents.»